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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/441

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Hélas ! les temps et les hommes se ressemblent et se ressembleront toujours. La multitude aveugle se courbera sans cesse sous le joug d’un petit nombre d’hommes puissants, et l’ambition des rois de la terre foulera toujours les lois sacrées de l’humanité.

Daignez présenter mes hommages à Mme Denis, recevoir ceux de ma petite femme, et ne pas douter de la tendre amitié que vous m’avez inspirée depuis si longtemps.

J’apprends tout à l’heure, monsieur, que c’est à vous que je dois le chocolat excellent que je prends depuis quelques jours. C’est le présent le plus convenable qu’on puisse faire à un homme marié ; aussi ma petite femme vous en est-elle très-obligée.


5241. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 21 mars.

Mes anges croient recevoir un gros paquet de vers, mais ce n’est que de la prose. Cette prose vaux mieux que des vers ; c’est un projet d’éducation[1] que M. de La Chalotais doit présenter au parlement de Bretagne, et sur lequel il m’a fait l’honneur de me consulter. Si mes anges veulent le parcourir, je crois qu’ils en seront contents. Je vous supplie de vouloir bien le lui renvoyer contre-signé, soit duc de Praslin, soit Courteilles.

Si le procureur général de Toulouse avait fait de tels ouvrages, au lieu de poursuivre la mort de Jean Calas, je le bénirais au lieu de le maudire.

Je ne sais point encore quel parti prendra Mlle Clairon. Je lui ai offert un logement chez moi : car assurément elle n’en trouverait pas à Genève, et cette ville à consistoire n’est pas trop faite pour une comédienne. M. Tronchin prétend que le voyage peut lui être funeste dans l’état où elle est. Il assure de plus qu’elle ne peut jouer d’une année entière sans être en danger de mort. La Comédie va être abandonnée ; la nôtre l’est aussi. Mme Denis est toujours malade, et je suis plus misérable que jamais. Ma consolation est la journée du 7 mars, ce conseil d’État de cent personnes, ce qui ne s’était jamais vu, cet arrêt qui est déjà la justification des Calas, cette joie du public, et ce cri unanime contre le capitoul David. Tous ces David me déplaisent, à commencer par le roi David, et à finir par David le libraire[2],

  1. Voyez lettre 5207.
  2. C’est au nom de Michel-Étienne David, libraire à Paris, qu’est le privilège du roi, du 26 juillet 1720, pour l’impression des Œuvres de Corneille ; et les ayants droit de ce David s’opposaient à l’annonce du Théâtre de Corneille avec le commentaire de Voltaire.