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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/454

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remment sanitas. Je ne sais pas de quoi je m’avise de citer tant la sainte Écriture devant un prince de l’Église : cela sent bien son huguenot ; je ne le suis pourtant pas, quoique je me trouve à présent sur le vaste territoire de Genève. M. le duc de Villars y est, comme moi, pour sa santé ; il a été fort mal ; Dieu et Tronchin l’ont guéri, pour le consoler de la mort de madame la maréchale sa mère.

Notre canton va s’embellir. Le duc de Chablais établira sa cour près de notre lac, vis-à-vis mes fenêtres. C’est une cour que je ne verrai guère. J’ai renoncé à tous les princes ; je n’en dis pas autant des cardinaux : il y en a un à qui j’aurais voulu rendre mes hommages avant de prendre congé de ce monde ; je lui serai toujours attaché avec le plus tendre et le plus profond respect.


5255. — À M. LE MARQUIS ALBERGATI CAPACELLI[1].
Aux Délices, 31 mars.

Je n’ai jamais été si fâché, monsieur, d’être réduit à ne pouvoir écrire de ma main. Je n’aime point à dicter ; il semble que le cœur perd toujours quelque chose. Quelles obligations ne vous ai-je point ? vous m’embellissez, vous flattez à la fois mon goût, mon amitié et mon amour-propre.

Permettez-moi de renouveler mes remerciements à M. Paradisi.

J’ai reçu, monsieur, deux lettres de vous, des 9 et 22 mars ; dans la dernière, vous m’ordonnez de répondre à ce que vous m’avez mandé touchant le Père Pacciaudi. Mais je n’ai jamais rien reçu de vous touchant ce religieux : je ne sais qui il est ; il faut que la lettre où vous m’en parlez se soit perdue. Vous me faites rougir en me parlant de l’honneur que vous faites à Sémiramis[2], conjointement avec M. l’abbé Fabri. Pourquoi n’ai-je ni la force de traverser les Alpes pour venir vous dire tout ce que vous m’inspirez, ni assez de génie pour vous le dire d’une manière digne de vous ? Mais il faut que j’achève ma vie dans le petit pays où est mon établissement. Je viens d’y marier la descendante du grand Corneille ; me voilà devenu père de famille. Ne pouvant marcher sur les traces de Corneille, je me suis fait

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. En la jouant en italien.