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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/458

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La vieille marmotte des Alpes est à ses pieds avec le plus tendre respect.


5259. — À M. LE DUC DE CHOISEUL.
(fragment[1].)

J’ignore ce que mes oreilles ont pu faire aux Pompignan. L’un me les fatigue par ses mandements, l’autre me les écorche par ses vers, et le troisième me menace de les couper. Je vous prie de me garantir du spadassin : je me charge des deux écrivains. Si quelque chose, monseigneur, me faisait regretter la perte de mes oreilles, ce serait de ne pas entendre tout le bien que l’on dit de vous à Paris.


5260. — À M. VERNES.
2 avril 1763[2].

Je suis ravi, mon cher rabbi, de l’intérêt que vous prenez à la chose. Je sens bien que je marche sur des charbons ardents[3] : il faut toucher le cœur, il faut rendre l’intolérance absurde, ridicule, et horrible ; mais il faut respecter les préjugés.

Il est bien difficile, en montrant les fruits amers qu’un arbre a portés, de ne pas donner lieu de penser que l’arbre ne vaut rien ; on a beau dire que c’est la faute des jardiniers, bien des gens sentent que c’est à l’arbre qu’il faut s’en prendre.

Au reste, il y a dans le Contrains-les d’entrer, de Bayle[4], des choses beaucoup plus hardies. À peine s’en est-on aperçu, parce que l’ouvrage est long et abstrus. Ceci est court, et à la portée de tout le monde ; ainsi je dois être très-circonspect.

J’ai beaucoup ajouté, beaucoup retranché, corrigé, refondu. La crainte de déplaire est l’éteignoir de l’imagination. Il faudrait que vous vinssiez rallumer la mienne avec votre ami ; nous tien-

  1. Ce fragment a été plusieurs fois réimprimé avec des variantes, et est donné ainsi par Dutens (Mémoires d’un voyageur qui se repose, 1806 : « Monseigneur, je ne sais ce que j’ai fait aux frères de Pompignan : l’un m’écorche les oreilles, et l’autre veut me les couper. Protégez-moi, monseigneur, contre l’assassin, je me charge de l’écorcheur, car j’ai besoin de mes oreilles pour entendre le bruit de votre renommée. »

    Cette version est probablement la plus exacte.

  2. Cette lettre est dans Beuchot à la date du 2 janvier. M. Avenel l’a placée avec raison au commencement d’avril.
  3. En écrivant son Traité de la Tolérance.
  4. Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ : Contrains-les d’entrer ; 1686, trois volumes in-12.