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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/466

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diables disent qu’ils protégeront les grands auprès de Dieu. Ne voilà-t-il pas une belle protection ? Il me semble que si quelqu’un devait avoir du crédit auprès du Créateur, ce serait, madame, une âme comme la vôtre. C’est à ceux qui font du bien dans ce monde à être les favoris du maître qui dispose du monde présent et du monde à venir.

Il y a deux ans que j’ai cessé d’écrire au roi de Prusse. Tant qu’il n’a pu faire autre chose que de verser du sang, j’ai respecté cette sorte de gloire. Mais celle dont il se couvre aujourd’hui étant plus humaine, elle m’intéresse davantage, et m’enhardira jusqu’à le féliciter d’être Trajan après avoir été César.

Je crois avoir mandé à Votre Altesse sérénissime que M. le prince Louis de Wurtemberg était devenu philosophe suisse, et qu’il était retiré à quelques lieues de chez moi avec madame sa femme, qu’il veut faire déclarer princesse. Ces déclarations sont sujettes à quelques inconvénients. On dit que Mme la duchesse de Wurtemberg, la régnante, ou non régnante, qui n’a plus ni père, ni mère, ni mari, pourrait bien se retirer avec son frère et se faire philosophe aussi. Pour moi chétif, j’avoue, madame, que c’est à votre cour que je voudrais bien philosopher. Mais je suis si vieux, j’ai si peu de santé, que je ne peux plus raisonnablement espérer un second voyage à Gotha, et c’est là ma plus grande tribulation.

Je viens d’envoyer à Genève pour savoir si vos ordres touchant le Corneille ont été exécutés. Ils le sont, madame. Votre Altesse sérénissime signale partout ses bontés. Qu’elle daigne agréer mon profond respect.


5268. — À M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC.
22 avril.

Le bon Dieu vous le rende, monsieur, d’avoir guéri M. le comte de Brassac de sa peur. Non-seulement vous êtes philosophe, mais vous en faites. Je suis bien fâché de n’avoir plus de Sermon[1], mais vous aurez des curé Meslier[2] tant que vous en voudrez. Je ne sais si le dernier ouvrage de J.-J. Rousseau, intitulé Émile, est parvenu jusqu’à vous. Il est vrai que dans ce livre, qui est un plan d’éducation, il y a bien des choses ridi-

  1. Le Sermon du rabbin Akib, ou le Sermon des cinquante ; voyez tome XXIV, pages 277 et 438. Peut-être Voltaire parle-t-il ici des deux sermons.
  2. Voyez tome XXIV, page 293.