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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/572

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moi, je ris de la peine qu’on s’est donnée inutilement de me faire des niches. On a cru me perdre en prouvant que j’avais fait des vers jusqu’à trente-deux ans : on ne m’a fait qu’honneur, et je voudrais de tout mon cœur en avoir encore le talent, comme j’en ai conservé le goût ; mais je suis plus heureux de lire les vôtres que je ne l’ai été d’en faire. Si vous voulez que je vous dise mon secret tout entier, j’y ai renoncé quand j’ai connu que je ne pouvais être supérieur dans un genre qui exclut la médiocrité. Adieu, je vous embrasse de tout mon cœur.


5396. — À M. DE BELMONT[1],
directeur des spectacles à bordeaux[2].
Aux Délices, 4 septembre 1763.

Vous pardonnerez, monsieur, à un vieillard malade s’il n’a pas répondu plus tôt à votre lettre du 6 auguste ; je suppose que vous avez l’édition d’Olympie faite par les frères Cramer[3] ; il y en a une donnée à Manhein par M. Colini, secrétaire intime de l’électeur[4] ; on y trouve un détail assez instructif de la manière dont le cinquième acte doit s’exécuter : l’actrice qui jouait Olympie sur le théâtre de Manheim se précipitait[5], du haut d’une estrade, sur un matelas, entre deux rangs de flammes, et on jetait de l’orcanson, qui augmentait encore le feu.

  1. Lettres inédites de Voltaire ; Gustave Brunet, 1840. L’original est entre les mains de M. Péry, notaire honoraire à Bordeaux. Les lettres de Voltaire à Belmont ont été réimprimées récemment par M. Barckhausen.
  2. Par une coïncidence singulière, Belmont s’appelait Bordeaux de son vrai nom, et appartenait à une famille dont un membre fut intendant des finances, puis ambassadeur, et a laissé des mémoires imprimés à Amsterdam en 1758.

    Lui-même fut d’abord avocat au parlement de Paris ; mais il abandonna le barreau pour la scène, où il joua avec succès les rôles à manteau.

    D’après les notes manuscrites de J.-B. Laboubée, Belmont était un homme fort estimable et un esprit très-cultivé. Il possédait une bibliothèque choisie, où il avait rassemblé de belles éditions de voyages, de pièces de théâtre et de romans. Au besoin, il prenait la plume du critique pour juger les œuvres littéraires, et même la plume du poëte ou du versificateur, pour composer quelque agréable morceau de circonstance.

    Le maréchal de Richelieu fut un de ses protecteurs.

    On trouve dans les registres de la Jurade de Bordeaux, à la date du 9 avril 1763, le privilège des spectacles que Belmont avait obtenu le 18 octobre 1760, pour une période de dix années. (H. Barckuause.)

  3. 1763, in-8o ; vi et 134 pages.
  4. Olympie fut jouée sur le théâtre de l’électeur palatin le 30 septembre et le 7 octobre 1762, selon l’Avis que Colini a mis en tête de son édition (Francfort et Leipzig, 1763, petit in-8o, viii et 156 pages), que Beuchot regarde comme l’originale.
  5. Acte V, scène vii.