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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/79

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cher président, de vous remercier aussi vite que je l’aurais voulu. M. de Virey n’est-il pas conseiller de votre parlement non séant ? N’est-ce pas lui qui est venu à Ferney un jour que nous avions trois cents spectateurs et soupeurs. Il arriva tout harassé au milieu de la cohue.

Moi, aller à Paris ! Quelle idée ! J’ai cherché le repos, je l’ai trouvé. Je ne le hasarderai pas ; et d’ailleurs puis-je m’absenter de ma charrue et de Corneille ?

Vous m’avez fait présent d’un sac de navets dont je fais plus de cas que de tous les sacs de procès qui pendent au croc des juges. Il me semble qu’on ménage votre parlement plus qu’on n’a ménagé celui de Besançon[1]. Pour les frères jésuites, je crois qu’ils seront conservés et réformés, et en voici la raison dans le papier honnête et modéré qui m’est venu de Paris.

Je vous embrasse tendrement ; je vous aime et regrette.


4865. — À M. LE CONSEILLER LE BAULT[2].
À Ferney, 22 mars 1762.

Je crois, monsieur, que les voyageurs que vous avez eu la bonté de m’adresser auront été un peu étonnés de la cohue qu’ils trouvèrent dans un ermitage qui devait être consacré au repos. Nous leur donnâmes la comédie et le bal, mais monsieur votre parent eut bien de la peine à trouver un lit. Ils furent si effarouchés de notre désordre que je n’ai plus entendu parler d’eux ; j’en suis très-fâché. Votre parent, monsieur, me parut infiniment aimable, dans la presse ; et j’entrevis que dans la société il doit être de la meilleure compagnie du monde. Vous ne voulez donc pas que je boive du vin de Mme Le Bault, vous m’avez abandonné, vous ne me jugez ni ne m’abreuvez. Je n’ai plus, je crois, de procès avec M. le président de Brosses, mais aussi je n’ai plus de son vin de Tournay ; j’ai abandonné le tout à un fermier pour éviter toute noise.

Vous avez entendu parler peut-être d’un bon huguenot que le parlement de Toulouse a fait rouer pour avoir étranglé son

  1. Quatre membres de ce parlement avaient été emprisonnés, et trente avaient subi un exil de deux ans et dix mois pour une opposition identique dans sa cause avec celle du parlement de Dijon dans l’affaire Varennes. Mais l’appui de Malesherbes et de la cour des aides de Paris fit triompher le parlement de Bourgogne du ministère.
  2. Éditeur, de Mandat-Grancey. — En entier de la main de Voltaire.