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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome45.djvu/289

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ANNÉE 1767

de mention des panégyriques de Louis XIV : les réfugiés au moins ne s’en sont pas chargés.

Je vous prie, monsieur, d’employer votre crédit auprès du savant du canton d’Uri[1], pour qu’il ne perde point son temps à faire le mien, si faire se peut, jusqu’à mon décès.

Ces lois dont on a parlé tant, au bout du compte ne sont point faites encore ; et qui peut répondre de leur bonté ? C’est la postérité, et pas nous, en vérité, qui sera à portée de décider cette question. Imaginez, je vous prie, qu’elles doivent servir pour l’Asie et pour l’Europe ; et quelle différence de climat, de gens, d’habitudes, d’idées même !

Me voilà en Asie ; j’ai voulu voir cela par mes yeux. Il y a dans cette ville vingt peuples divers qui ne se ressemblent point du tout. Il faut pourtant leur faire un habit qui leur soit propre à tous. Ils peuvent se bien trouver des principes généraux ; mais les détails ? Et quels détails ! J’allais dire : C’est presque un monde à créer, à unir, à conserver, etc. Je ne finirais pas, et en voilà cependant beaucoup trop de toutes façons.

Si tout cela ne réussit pas, les lambeaux de lettres que j’ai trouvés cités dans le dernier imprimé paraîtront ostentation (et que sais-je, moi ?) aux impartiaux et à mes envieux. Et puis mes lettres n’ont été dictées que par l’estime, et ne sauraient être bonnes à l’impression. Il est vrai qu’il m’est bien flatteur et honorable de voir par quel sentiment tout cela a été produit ; mais Bélisaire dit que c’est là justement le moment dangereux pour mon espèce. Bélisaire ayant raison partout, sans doute n’aura pas tort en ceci non plus. Sa traduction est finie, et elle va être imprimée incessamment. Pour faire l’essai de la traduction, on l’a lue à deux personnes du pays qui n’entendaient que leur langue. L’un se récria : « Qu’on me crève les yeux ; pourvu que je sois Bélisaire, j’en serai assez récompensé » ; l’autre dit : « Si cela était, j’en serais envieux. »

Au reste, monsieur, recevez les témoignages de ma reconnaissance pour toutes les marques d’amitié que vous me donnez ; mais, s’il est possible, préservez, évitez mes griffonnages de l’impression.

6900. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
Mai.

Je vous supplie, monseigneur, de lire attentivement ce mémoire [2]. Vous savez que j’ai rendu quelques services aux protestants. J’ignore s’ils les ont mérités ; mais vous m’avouerez que La Beaumelle est un ingrat.

Je soumets ce mémoire à vos lumières, et la vérité à votre protection. Vous serez indigné, quand vous verrez tant de calom-

  1. La Lettre sur les Panégyriques est donnée comme l’ouvrage d’un professeur en droit du canton d’Uri.
  2. Donné tome XXVI, page 355.