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Page:Voltaire - Lettres philosophiques, t. 2, éd. Lanson, 1917.djvu/9

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QUATORZIÈME LETTRE

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Sur Descartes et Newton1.

Un Français qui arrive à Londres trouve les choses bien changées en Philosophie comme dans tout le reste. Il a 5 laissé le monde plein, il le trouve vuide ; à Paris on voit l’univers composé de tourbillons de matiere subtile ; à Londres on ne voit rien de cela ; chez nous c’est la pression de la Lune qui cause le flux de la mer, chez les Anglais c’est la mer qui gravite vers la lune ; de façon que 10 quand vous croïez que la lune devroit nous don|ner [140] marée haute, ces Messieurs croient qu’on doit avoir marée basse, ce qui malheureusement ne peut se vérifier, car il auroit fallu pour s’en éclaircir examiner la lune & les marées au premier instant de la création.

15 Vous remarquerez encore que le soleil, qui en France n’entre pour rien dans cette affaire, y contribue ici environ pour son quart2 : chez vos Cartésiens tout se fait par une impulsion qu’on ne comprend guéres, chez Mr Newton c’est par une attraction dont on ne connoit pas mieux 20 la cause ; à Paris vous vous figurez la terre faite comme un melon3, à Londres, elle est aplatie des deux côtés. La lumière pour un Cartésien existe dans l’air, pour un New-

Ligne 2. K Newton et Descartes. Section première (Dict. phil.). — 4. K (note) : Lorsque cet article a été écrit, c’est-à-dire vers 1750, plus de quarante ans après la publication du livre des Principes, toute la France était encore cartésienne. — 6. 34a-51 [tourbillons], [de] — 7. 34a-K [Chez] vous, qui est mieux d’accord avec la suite du texte (vous, lig. 10 et 20 ; vos, lig. 17 ; ici, lig. 40). — 22. 46, 48 dans [un cartésien]