ils seront tous deux brûlés éternellement, sans pouvoir être consumés, comme je disais tout à l’heure.
LA COMTESSE. — Rien n’est assurément plus
judicieux ni plus équitable ; il y a plaisir à vivre
dans une religion si sage. Voudriez-vous une aile de
ce perdreau ?
LE COMTE. — Prenez, croyez-moi ; Jésus-Christ
a dit : Mangez ce qu’on vous présentera. Mangez,
mangez ; que la honte ne vous fasse dommage.
L’ABBÉ. — Ah ! devant les domestiques, un vendredi,
qui est le lendemain du jeudi ! Ils l’iraient
dire par toute la ville.
LE COMTE. — Ainsi vous avez plus de respect
pour mes laquais que pour Jésus-Christ ?
L’ABBÉ. — Il est bien vrai que notre Sauveur n’a
jamais connu les distinctions des jours gras et des
jours maigres ; mais nous avons changé toute sa
doctrine pour le mieux ; il nous a donné tout pouvoir
sur la terre et dans le ciel. Savez-vous bien que, dans
plus d’une province, il n’y a pas un siècle que l’on
condamnait les gens qui mangeaient gras en carême
à être pendus ? et je vous en citerai des exemples.
LA COMTESSE. — Mon Dieu, que cela est édifiant !
et qu’on voit bien que votre religion est divine !