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Page:Voltaire Dialogues philosophiques.djvu/54

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dialogues philosophiques

Les papes et leurs suppôts ont tellement cru que leur pouvoir n’est fondé que sur l’ignorance, qu’ils ont toujours défendu la lecture du seul livre qui annonce leur religion ; ils ont dit : Voilà votre loi, et nous vous défendons de la lire ; vous n’en saurez que ce que nous daignerons vous apprendre. Cette extravagante tyrannie n’est pas compréhensible ; elle existe pourtant, et toute Bible en langue qu’on parle est défendue à Rome ; elle n’est permise que dans une langue qu’on ne parle plus.

Toutes les usurpations papales ont pour prétexte un misérable jeu de mots, une équivoque des rues, une pointe qu’on fait dire à Dieu, et pour laquelle on donnerait le fouet à un écolier : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je fonderai mon assemblée. »

Si on savait lire, on verrait en évidence que la religion n’a fait que du mal au gouvernement ; elle en a fait encore beaucoup en France, par les persécutions contre les protestants ; par les divisions sur je ne sais quelle bulle, plus méprisable qu’une chanson du Pont-Neuf ; par le célibat ridicule des prêtres ; par la fainéantise des moines ; par les mauvais marchés faits avec l’évêque de Rome, etc.

L’Espagne et le Portugal, beaucoup plus abrutis que la France, éprouvent presque tous ces maux, et ont l’inquisition par-dessus, laquelle, supposé un enfer, serait ce que l’enfer aurait produit de plus exécrable.

En Allemagne, il y a des querelles interminables entre les trois sectes admises par le traité de West-