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Page:Voltaire Dialogues philosophiques.djvu/73

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dialogues philosophiques

Rigolet qui vient vous appeler pour vous donner à Jésus-Christ mon sauveur.


L’EMPEREUR. — Dans quel temps ces belles prédictions ont-elles été écrites ?


FRÈRE RIGOLET. — Je ne le sais pas bien précisément ; mais je sais que les prophéties prouvent les miracles de Jésus mon sauveur, et ces miracles de Jésus prouvent à leur tour les prophéties. C’est un argument auquel on n’a jamais répondu, et c’est ce qui établira sans doute notre secte dans toute la terre, si nous avons beaucoup de dévotes, de soldats et d’argent comptant.


L’EMPEREUR. — Je le crois, et on m’en a déjà averti : on va loin avec de l’argent et des prophéties : mais tu ne m’as point encore parlé des miracles de ton Dieu ; tu m’as dit seulement qu’il fut fessé et pendu.


FRÈRE RIGOLET. — Eh ! sire, n’est-ce pas là déjà un très grand miracle ? mais il en a fait bien d’autres. Premièrement, le diable l’emporta sur une petite montagne, d’où l’on découvrait tous les royaumes de la terre, et lui dit : « Je te donnerai tous ces royaumes, si tu veux m’adorer ; » mais Dieu se moqua du diable. Ensuite on pria notre Seigneur Jésus à une noce de village, et les garçons de la noce étant ivres et manquant de vin, notre Seigneur