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Page:Wagner - Dix Écrits, 1898.djvu/110

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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

ment du génie de la voix humaine ; celle-ci est l’interprète directe du cœur humain, et traduit nos sensations abstraites et individuelles. Son domaine est donc essentiellement limité, mais ses manifestations sont toujours claires et précises. Eh bien ! réunissez ces deux éléments ; traduisez les sentiments vagues et abrupts de la nature sauvage par le langage des instruments, en opposition avec les idées positives de l’âme représentées par la voix humaine, et celle-ci exercera une influence lumineuse sur le conflit des premiers, en réglant leur élan et modérant leur violence. Alors le cœur humain s’ouvrant à ces émotions complexes, agrandi et dilaté par ces pressentiments infinis et délicieux, accueillera avec ivresse, avec conviction, cette espèce de révélation intime d’un monde surnaturel.

Ici Beethoven essoufflé s’arrêta un moment, puis il reprit en soupirant : — Il est vrai qu’une pareille tâche présente mille obstacles dans la pratique ; car pour faire chanter il faut des paroles, et qui serait capable de formuler en paroles la poésie sublime qui serait le brillant résultat de la fusion de tous ces éléments ? L’art de l’écrivain serait évidemment impuissant pour y parvenir. Je publierai bientôt un nouvel ouvrage qui vous rappellera les idées que je viens d’émettre : c’est une symphonie avec chœurs ; mais je dois appuyer sur les difficultés que m’a suscitées en cette circonstance l’insuffisance du