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Page:Wagner - Dix Écrits, 1898.djvu/114

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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

de l’Anglais occupé à attacher sa valise sur la voiture. Ainsi cet homme avait aussi bien que moi atteint son but, et je fus obligé de convenir qu’il avait fait preuve, à sa manière, de persévérance. Je montai à ma mansarde et fis mes préparatifs de départ pour le lendemain matin. Mes yeux tombèrent sur la grande croix apposée sur l’album de l’Anglais, et je ne pus réprimer un grand éclat de rire. Pourtant cette croix était un souvenir de Beethoven, et je me gardai bien de m’en dessaisir pour le gentleman musicien qui avait été le mauvais génie de mon saint pèlerinage. J’ôtai donc cette enveloppe que je réservai pour la collection de mes galops dignes de ce stigmate réprobateur. Quant à l’Anglais, je lui renvoyai son album intact avec un petit billet où je lui marquais que Beethoven avait été enchanté de sa musique, au point qu’il n’avait pas su où poser une seule croix de blâme.

Comme je quittais l’hôtel, l’Anglais montait justement dans sa voiture : — Oh ! adieu, me criait-il ; vous m’avez rendu un très grand service, et je suis entièrement content d’avoir vu de près Beethoven. Voulez-vous que je vous emmène en Italie ?

— Qui donc allez-vous voir ? lui dis-je.

— Je veux faire la connaissance de M. Rossini. Oh ! c’est un bien grand compositeur.

— Merci, lui répondis-je, je connais Beethoven, et cela me suffit pour ma vie entière.