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Page:Wagner - Dix Écrits, 1898.djvu/135

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DE L’OUVERTURE

En se plaçant à ce point de vue, il s’éloigne et s’affranchit de toutes les complications accidentelles du fait. Nulle part l’idée supérieure et tragique n’a été exprimée en musique avec plus de beauté et de noblesse que dans l’ouverture d’Egmont, de Goethe. Le destin élève ici par un coup décisif le héros au triomphe. Les derniers accents de l’ouverture, qui se montent à la sublimité de l’apothéose, rendent parfaitement l’idée dramatique, tout en formant l’œuvre la plus musicale. Le combat des deux éléments nous entraîne ici impérieusement, même dans la musique, à un dénouement nécessaire, et il est surtout de l’essence de la musique de faire apparaître cette conclusion comme un fait consolateur. Je ne connais qu’une seule exception remarquable qui contredise cette opinion, c’est l’ouverture de Coriolan. Mais si l’on étudie encore avec attention cette œuvre tragique et importante, cela s’explique, parce qu’il ne pouvait être question d’y exprimer une idée tragique qui fût généralement sentie par tous. Une sauvage arrogance qui n’a pu exciter l’intérêt et la pitié que lorsque l’excès de sa force a été brisé, forme l’élément vital de cette ouverture. Mais le maître ne s’y montre pas moins unique et inaccessible, le maître qui a créé Coriolan et Léonore ; et ce que nous devons admirer en lui avec un religieux saisissement, est souvent ce qui est le moins fait pour être imité. Ce n’est qu’en combinant tout ce qu’ont créé des