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Page:Wagner - Dix Écrits, 1898.djvu/157

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UN MUSICIEN ÉTRANGER À PARIS

de douleur morale ; les taches colorées qui les marbraient témoignaient encore des souffrances de la faim ! Comme je le considérais avec le plus profond sentiment d’affliction, il parut touché jusqu’à un certain point, car il ne chercha que faiblement à se dégager de mes bras.

— Comment cela va-t-il, mon cher R... ? lui dis-je d’un ton d’hésitation. Puis j’ajoutai avee un sourire triste : Où donc est ton beau chien ? Son regard s’assombrit : — Volé ! répondit-il laconiquement.

— Pas vendu ? dis-je à mon tour.

— Misérable ! répondit-il d’une voix creuse, tu es donc aussi comme l’Anglais, toi ?

Je ne compris pas ce qu’il voulait dire par ces mots. — Mens, repris-je d’une voix émue, viens, conduis-moi chez toi ; j’ai besoin de causer avec toi.

— Tu n’auras bientôt plus besoin de me demander ma demeure, répondit-il ; je suis enfin maintenant sur la véritable voie qui mène à la réputation, à la fortune. Va-t’-en, car tu n’en crois rien ; que sert de prêcher un sourd ? Pour croire, vous autres, vous avez besoin de voir. C’est bien, tu verras bientôt ! Lâche-moi maintenant, si tu ne veux pas que je te regarde comme mon ennemi juré.

Je n’en serrai que plus fortement ses mains. — Où demeures-tu ? lui dis-je encore. Viens, conduis-moi chez toi. Nous parlerons de cœur et