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Page:Wagner - Dix Écrits, 1898.djvu/162

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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

lequel il avait dit ce peu de mots m’impressionna peut-être encore plus douloureusement que ne l’avait fait d’abord son aspect. Je lui serrai la main et pleurai sans pouvoir parler.

— Il y a, ajouta-t-il après une pause d’émotion, plus d’un an, ce me semble, que nous nous rencontrâmes au brillant Palais-Royal. Je n’ai pas tenu tout à fait parole. Devenir célèbre dans l’année m’a été impossible avec la meilleure volonté du monde. D’un autre côté, ce n’est pas ma faute si je n’ai pu t’écrire au bout d’un an révolu, pour te prier de me voir mourir. Je n’avais pu, malgré tous mes efforts, en venir encore là. Oh ! ne pleure pas, mon ami. Il fut un temps où j’ai dû te prier de ne pas rire.

Je voulus parler, mais la parole me manqua encore. — Laisse-moi continuer, dit le mourant, cela m’est facile en ce moment, et je te dois un récit assez long. Je suis persuadé que je ne serai plus demain ; c’est pourquoi il faut que tu m’écoutes aujourd’hui. Ce récit est simple, mon ami, très simple : pas de complications étranges, pas de péripéties étonnantes, pas de détails prétentieux. Tu n’as pas à craindre pour ta patience que la facilité de langage dont je jouis momentanément m’enivre et m’emporte trop loin. Il y a eu en revanche des jours, mon cher, où je n’ai pas proféré un son. — Écoute ! — Quand je pense à l’état dans lequel tu me trouves aujourd’hui, je crois inutile de t’assurer que ma destinée