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Page:Wagner - Dix Écrits, 1898.djvu/240

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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

nullité la plus absolue, le manque total de force et d’inspiration, on doit être d’autant plus surpris que ces compositions soient beaucoup moins l’œuvre de maîtres qui se survivent, que de jeunes gens sur lesquels repose l’avenir de la musique en France. Qu’on ne nous parle pas de l’épuisement d’Auber ! Sans doute ce maître illustre est parvenu à l’extrême limite de sa carrière artistisque, où la puissance créatrice doit s’arrêter, où elle ne saurait se renouveler ; où l’artiste doit restreindre ses efforts à se maintenir au point où il est parvenu, et à conserver sa gloire intacte. Sans doute c’est la position la plus périlleuse pour un artiste, vu qu’elle penche vers le déclin ; et si cette persévérance à se retrancher dans un système de productions arrêté et immuable doit conduire inévitablement à la monotonie, et restreindre la sphère du compositeur, nous devons reconnaître d’un autre côté que nul ne sait, comme Auber, donner la vie et la grâce aux formes inventées par lui, les construire, les polir et les façonner avec une sûreté et une perfection merveilleuses. Avant tout et toujours, c’est précisément la considération que ces formes ont été inventées par lui, qui nous inspire la plus profonde estime pour son beau talent, et on lui accorde volontiers d’employer exclusivement des formes qui lui sont familières à juste titre.

Mais si éloignés que nous soyons de signaler