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Page:Wagner - Dix Écrits, 1898.djvu/63

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DU MÉTIER DE VIRTUOSE
ET DE L’INDÉPENDANCE DES COMPOSITEURS




Fantaisie esthétique d’un musicien.


D’après une vieille légende, il existe quelque part un joyau inestimable dont l’éclat rayonnant procure soudain à l’heureux mortel qui peut fixer son regard sur lui, toutes les lumières de l’intelligence et les joies intimes d’une conscience satisfaite ; mais ce miraculeux trésor est depuis bien des siècles enfoui dans un abîme profond. Au dire de la chronique, il y eut jadis des hommes favorisés par le destin, et dont l’œil, doué d’un pouvoir surnaturel, pénétrait la masse de ruines et de décombres où gisaient l’un sur l’autre entassés des portiques, des colonnades, et mille autres débris informes de gigantesques palais. C’est du sein de ce chaos que le bijou fantastique les éblouit de sa prodigieuse clarté et remplit leurs cœurs d’une extase céleste. Ils furent saisis alors d’un grand désir de soulever cet immense amas de ruines pour rendre manifeste à tous les yeux la splendeur du joyau magique qui devait faire