Aller au contenu

Page:Wagner - Dix Écrits, 1898.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
44
DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

tion étrangère ; car, en fait d’exécution musicale, il faudrait à la rigueur que ni les défauts ni les qualités de l’exécutant ne pussent influencer l’auditeur, et que le mérite seul de la composition maîtrisât toute son attention ; d’où cette conséquence rigoureuse qu’il faut ou bien dénier toute importance à l’exécution musicale, ou bien lui en attribuer une tellement exagérée, qu’on la mettrait au niveau de la conception, à la manifestation de laquelle son concours est indispensable.

Or, il est difficile de décider s’il faut s’en prendre au goût superficiel du public, ou bien à la vanité des virtuoses, de cette habitude contractée avec le temps de traiter l’exécution musicale comme une chose absolument indépendante du fond auquel elle s’appliquait. Mais il est certain, qu’en général le public n’a pas témoigné d’un sens critique assez profond pour apprécier à leur juste valeur les œuvres musicales à la portée de leur idée fondamentale. Il arriva ainsi que maintes fois le rôle secondaire de l’exécution fut confondu avec la fonction créatrice de la pensée, qu’on alla jusqu’à méconnaître tout à fait. De leur côté, les artistes exécutants méritent le grave reproche d’avoir abusé de cette propension vicieuse, et d’avoir trop souvent mis tout en œuvre pour substituer à la pensée dont ils se faisaient les interprètes, leur propre individualité. Cette injuste prédominance accordée au virtuose sur l’auteur de la composition, eut pour