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Page:Wagner - Dix Écrits, 1898.djvu/87

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UNE VISITE À BEETHOVEN

Ô mon illustre maître ! quels pèlerins de nature diverse attire ta célébrité ! Riche et pauvre cheminent à la fois sur la même route pour venir contempler tes traits ! — Cet Anglais m’intéressait, mais je ne lui enviais pas son équipage ; il me semblait que j’accomplissais avec mes humbles ressources une action plus digne que la sienne, et que j’en recueillerais une joie plus parfaite et plus pure que celui qu’escortait tant de luxe et d’aisance. Le cornet du postillon retentit, et l’Anglais remonta en voiture en me criant, pour adieu, qu’il verrait Beethoven avant moi.

Après avoir marché quelques heures, je rejoignis le gentleman sur la grande route. Une roue de sa voiture s’était brisée, mais il n’en restait pas moins tranquillement assis à sa place, aussi bien que le domestique sur son siège extérieur. J’appris qu’ils attendaient ainsi le postillon qui était allé quérir un charron à un village assez éloigné. Il était parti depuis longtemps, me dit le maître ; et comme son domestique ne savait parler qu’anglais, je me décidai à aller moi-même presser son retour. Je le trouvai en effet dans un bouchon occupé à boire, et ne s’embarrassant guère de son gentleman. Je le ramenai cependant avec le charron, et, le dommage réparé, l’Anglais repartit en me promettant de m’annoncer chez Beethoven.

Quel fut mon étonnement de rejoindre encore