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Page:Wagner - Tristan et Yseult, 1886, trad. Wilder.djvu/21

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ACTE PREMIER

Pourquoi gardai-je un vain silence ? —
Tristan, moins simple et moins discret,
N’est pas resté muet. —
Cachant l’ingrat, — farouche et sombre, —
Nuit et jour, le veillant dans l’ombre. —
Yseult, jadis, l’a sauvé du trépas ! —
Qu’importe ! il ne m’épargne pas ! —
Triomphant, à la cour de Marke,
Tout haut, il m’offre à son monarque :
« Ces yeux charmants, ces yeux si doux,
Seigneur, qu’en dites-vous ?
Je veux aller chercher la belle ;
À vous son cœur, à vous sa main…
La route ne m’est pas nouvelle,
Un mot,… je pars demain ;
Il me sourit de tenter l’aventure. « —
Traître orgueilleux !
Lâche et parjure !
Haine ! mort ! mort… à nous deux !

BRANGAINE,
se précipitant vers Yseult dans l’emportement de sa tendresse.

Maîtresse chère ! douce ! bonne !
Ô viens, de grâce ; viens, mignonne !
Chère âme, écoute, calme-toi ! —
Quelle erreur fatale et bizarre,
Ô cœur chéri, t’égare
Et cause un vain émoi ? —
Mais, n’est-ce pas Tristan, dis-moi ?
Qui, pour payer sa dette
Met la couronne sur ta tête ?
Sujet loyal, il sert son roi,
Mais, tout en le servant, il s’acquitte envers toi !
C’est à lui ce royaume, il te l’offre lui-même ;
À tes pieds, abdiquant ses droits,
Il te remet son diadème. —