Aller au contenu

Page:Wagner - Tristan et Yseult, 1886, trad. Wilder.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
44
ACTE DEUXIÈME

Quel désespoir et quel martyre,
Quand je te vis renier notre amour ;
Quand cet amour, dont mon âme était pleine,
Dut faire place aux fureurs de la haine ! —
Ô cruelle douleur, ô peine ! horrible peine !
Que de se voir trahir ainsi,
Par l’homme que l’on a choisi ;
Et quelle angoisse extrême
De voir celui qu’on aime
Vous montrer tout à coup le front d’un ennemi ! —
Puisque Tristan dédaignait ma tendresse,
Ce jour maudit, ce monde sans appas,
Je jurai de les fuir dans l’ombre du trépas.
Là, mon cœur pressentait la céleste promesse
D’une ivresse d’amour qui ne s’épuise pas ;
Et je t’offris la liqueur charmeresse,
Qui devait à jamais t’endormir dans mes bras.

TRISTAN.

Ce breuvage de mort, comblant mon espérance,
Lorsque ta main me le tendit,
Sans hésiter, Tristan le prit,
Comme un gage sacré d’éternelle alliance. —
Je souris au trépas trop longtemps attendu,
La nuit m’ouvrait son sein, le jour était vaincu !

YSEULT.

Hélas ! le philtre a trompé ton envie.
Quand tu croyais toucher au port,
Quand ton cœur appelait la mort,
Il t’a rejeté dans la vie.

TRISTAN.

Réni celui qui t’avait composé,
Ô doux breuvage, ô liqueur généreuse,