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Page:Wagner - Tristan et Yseult, 1886, trad. Wilder.djvu/58

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ACTE DEUXIÈME

En qui mettrai-je, hélas, ma foi,
Si, par amour pour une femme,
Tristan trahit son roi,
Tristan se fait infâme !

Tristan baisse lentement les yeux, et, tandis que Marke poursuit, son attitude trahit une tristesse croissante.

Qu’ai-je gagné par tesexploits guerriers,
Que sont pour moi de vains lauriers,
Cueillis dans la victoire ;
Si tu me prends mon seul bonheur,
Si c’est au prix de mon honneur
Qu’il faut payer ma gloire ? —
Suis-je, à tes yeux, un prince ingrat ? —
Ces biens,’conquis par ton courage,
Ne te les ai-je pas donnés en héritage ? —
Pour te léguer mon trône et mon État,
N’ai-je pas supporté l’ennui d’un long veuvage ?
Mon peuple me pressait en vain
De relever la pourpre souveraine
Des grâces d’une reine,
En contractant un autre hymen ;
En vain tu me pressais toi-même
De faire droit aux vœux de messujets,
De mes amis ; rebelle à leurs souhaits,
Toujours trouvant un nouveau stratagème,
J’ai su tromper leur espoir, jusqu’au jour,
Où risquant un effort suprême,
Tristan m’a menacé de déserter ma cour,
Si, je n’acceptais la promise
Dont il vantait la grâce exquise. —
Alors je t’ai cédé. — Ce trésor précieux
Dont tu disais merveille
Et qui devait ravir mes yeux,
Cette princesse sans pareille,
Dont la beauté me devait éblouir ;
Cette pure et céleste femme,