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Page:Walch - Anthologie des poètes français contemporains, t3.djvu/149

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MUSSET

Souvenez-vous : la brise est charmeuse et câline ;
La nuit est dans le parc comme un enchantement,
Et parmi les velours de l’ombre, en s’endormant,
La lune dans les fleurs et les feuilles s’incline.

Sous le balcon d’Agnès, de Laure ou de Zerline
Il chante : c’est la voix de l’éternel ornant.
Le ciel de cristal tinte, et langoureusement
Dans un rêve d’amour vibre la mandoline.

Mais l’infidèle a clos ses volets ; et son cœur
Reste sourd à l’appel ardent, tendre ou moqueur
Du page qui l’implore et soupire pour elle.

Soudain il rit, d’un rire ironique et falot,
Et ses doigts plus nerveux pincent la chanterelle,
Qui pleure, s’exaspère et rompt dans un sanglot.

(Les Tombeaux.)

BAUDELAIRE

A ce grand cœur marqué du signe de Saturne
Il ne sied pas, sur la colline, d’ériger
Dans les bocages verts un monument léger ;
Laisse l’ombre à l’esprit songeur et taciturne.

Elève sur le roc cette stèle et cette urne :
L’if noir remplacera le myrte et l’oranger ;
Si parmi nous il dort comme un triste étranger,
Sois-lui du moins clémente, ô douce paix nocturne.

Sur le marbre glacé qui comprime son front,
Le soir, silencieux et froids, se poseront
Les corbeaux ténébreux et les aigles rapaces.

Ne grave ni flambeau, ni colombe, ni fleur.
Respecte sa pensée amère. O toi qui passes,
Lis ces seuls mots : « Il fut aimé de la DouleurI »

(Les Tombeaux.)