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Page:Walch - Anthologie des poètes français contemporains, t3.djvu/604

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Et qu’un froid tranchant me pénètre
Après les ardeurs de jadis ;

Puisque le gravier ne bruit plus
Sous les pas actifs de sa joie
Et que je n’entends plus la soie
De la robe dont fut vêtu

Son corps tumultueux et chaud ;
Puisque le foyer est sans flamme,
Puisque l’homme n’a plus de femme
Et que le vase n’a plus d’eau :

Pourquoi me dites-vous encor
Qu’après la nuit le ciel se dore,
Que la rampe seule colore
Les charmes furtifs d’un décor ?

Pourquoi dites-vous à mes yeux
Que bientôt le sel de leurs larmes
Semblera des perles aux charmes
Que répand le soleil joyeux ?

Pourquoi dites-vous à mes bras
Que peut mûrir pourtant la vigne
Malgré la mort du chêne insigne
Qui soutenait ses entrelacs ?

Pourquoi dites-vous à mon front
Que malgré l’orage qui passe
Les nuages poseront leurs masses
Demain aux souples horizons ?

Pourquoi dire à ma bouche aussi
Qu’après ce long hiver sans roses
Des corolles iront, décloses,
Fleurir le bassin réjoui ?

Pourquoi dites-vous au miroir
Que bientôt ce même bassin,
Rempli de ciel bleu le matin,
Sera rempli d’astres le soir ?…

— Vous savez bien que la Douleur
Bande les yeux obstinément,
Qu’on ne sait être que méchant
Lorsque l’on ne sent plus son cœur !