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Page:Weil - Intuitions pré-chrétiennes, 1951.djvu/98

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testation entre les dieux et les hommes (ἐκρίνοντο θεοὶ θνητόι τ’ἄνθρωποι. Théogonnie, v. 535) concernant la part respective qui devait revenir aux uns et aux autres dans les bêtes sacrifiés, et qu’il a attribué la meilleure part aux hommes.

Ceci rappelle un passage extraordinaire de Job, xvi, 19 : « Dès maintenant, j’ai un témoin pour moi dans les cieux, un répondant dans les régions supérieures. Mes amis se raillent de moi, c’est vers Dieu que s’élèvent mes yeux baignés de larmes, pour qu’il soit lui-même arbitre entre l’homme et Dieu, entre le fils de l’homme et son semblable. »

Eschyle montre d’abord la crucifixion de Prométhée sur le roc. Pendant cette opération, il se tait tout à fait. Ce silence rappelle celui du juste d’Isaïe et du Christ : « Maltraité, injurié, il n’ouvrait pas la bouche. »

Dès que Prométhée est seul, il a une explosion de douleur qui ne laisse aucun doute sur le caractère charnel de sa souffrance.

Eschyle rend clair aussi qu’il souffre par amour.


v. 89

Divin ciel, rapides ailes des vents,
Ô fleuves et leurs sources, ô de la mer et des flots
innombrable sourire, et toi, mère de tout, terre,
et celui qui voit tout, le cercle du soleil, je vous appelle,
voyez-moi, ce que les dieux font souffrir à un dieu.
Regardez de quelles humiliations
déchiré, contre les mille et mille ans du temps, j’ai à lutter.
C’est ce que le nouveau maître des heureux
a trouvé pour moi, une chaîne dégradante.
Hélas, hélas, le présent et l’avenir de mon malheur
me font gémir. À quel point de mes peines
faut-il qu’un terme à tout cela soit assigné ?

v. 101

Pourtant, que dis-je ? Tout cela, je le connais d’avance,
exactement, tout l’avenir. Rien pour moi de nouveau