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Page:Weil - La Connaissance surnaturelle, 1950.djvu/259

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L’amour a pour objet le bien. Pour aimer inconditionnellement un être humain ordinaire, il faut avoir aperçu en lui un bien inconditionnel.

Il n’y a pas de bien inconditionnel chez aucun homme non arrivé à l’union mystique, sinon la possibilité d’y arriver.

Pour aimer inconditionnellement les hommes, il faut voir en eux des pensées soumises aux lois mécaniques de la matière, mais ayant pour vocation le bien absolu.

L’aspiration au bien, qui existe chez tous les hommes — car tout homme désire, et tout désir a pour objet le bien — l’aspiration au bien qui est l’être même de chaque homme est le seul bien toujours inconditionnellement présent en tout homme.

Aimer chez tous les hommes, selon le cas, ou le désir ou la possession du bien.

Dans un autre vocabulaire : aimer chez tous les hommes ou le désir ou la possession de Dieu.

C’est cela, aimer inconditionnellement. C’est cela, aimer les êtres humains en Dieu.

En enfer, par définition, il n’y a plus de désir du bien. Dès lors il est impossible qu’on y souffre.

Chez les êtres humains, nous aimons la satisfaction espérée de notre désir. Nous n’aimons pas en eux leur désir. Aimer en eux leur désir, c’est les aimer comme sol. En soi on n’aime pas un bien, on adhère à un désir.

Le désir est toujours souffrance, parce qu’insatisfait. Réciproquement toute souffrance est insatisfaction d’un désir. L’amour qui adhère au désir d’autrui, c’est la compassion.

On ne peut pas compatir à tout désir si on n’a pas contemplé les notions pures, universelles, de désir et de bien. Autrement dit, si on n’a pas contemplé Dieu.

Si on contemple le Bien, on considère tout désir, fût-ce le plus affreux, comme une aspiration au bien, fût-elle erronée.

Nous n’aimons pas un être humain comme une faim, mais comme une nourriture. Nous aimons en cannibales. Aimer purement, c’est aimer dans un être