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Page:Weil - La Connaissance surnaturelle, 1950.djvu/261

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[Comment s’explique la ressemblance entre l’Apocalypse et le poème de Nonnos ? Nonnos a-t-il copié l’Apocalypse ? Mais pourquoi ? Ou l’Apocalypse est-elle d’inspiration orphique ou égyptienne ?]

Notre amour comme notre raison sont soumis à ce paradoxe, que ce sont des facultés universelles qui ne sont susceptibles que d’objets particuliers.

Penser telle perception comme un théorème.

Dieu seul est l’unité de l’universel et du particulier. Dieu est une personne universelle. Quelqu’un qui est tout.

On n’aime pas l’humanité ; on aime cet homme. Ce n’est pas un amour légitime ; aimer l’humanité est seul légitime.

Mais aimer la divinité et ce Dieu, c’est le même amour.

En Dieu l’universel et le particulier sont identiques. Ici-bas ils sont enfermés ensemble sous clef par une harmonie. L’Incarnation est cette harmonie. Nous devons vivre de cette harmonie nous-mêmes. Cette harmonie est la vraie vie.

Aimer dans le prochain la faim qui le ronge et non pas la nourriture qui s’offre à nous en lui pour calmer notre faim, cela implique un détachement total.

Cela implique qu’on renonce à manger de l’homme, qu’on ne veut plus manger que Dieu.

Mais la substance de Dieu, au moins au début, ne nourrit qu’un point de l’âme placé tellement au centre que nous ignorons qu’il existe.

Le reste de l’âme a faim, et voudrait bien manger de l’homme.

Seuls peuvent être sauvés ceux que quelque chose contraint à s’arrêter quand ils voudraient s’approcher de ce qu’ils aiment. Ceux en qui le sentiment du beau a mis la contemplation.

C’est pourquoi peut-être Platon dit que la beauté seule est descendue du ciel ici-bas pour nous sauver.

Ici-bas, regarder et manger sont deux. Il faut choisir l’un ou l’autre. On appelle l’un et l’autre aimer. Seuls