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Page:Weil - La Connaissance surnaturelle, 1950.djvu/99

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n’aime les choses conditionnées que conditionnellement, sans exception.

Le Bien est hors de ce monde.

Grâce à la sagesse de Dieu qui à mis sur ce monde la marque du bien sous forme de beauté, on peut aimer le Bien à travers les choses d’ici-bas.

Cette docilité de la matière, cette qualité maternelle de la nature, a été incarnée dans la Vierge.

La matière sourde est néanmoins attentive à la persuasion de Dieu.

« ce monde consent à ta domination ».

Par amour, la matière reçoit l’empreinte de la Sagesse divine et devient belle.

On a raison d’aimer la beauté du monde, puisqu’elle est la marque d’un échange d’amour entre le Créateur et la création.

La beauté est aux choses ce que la sainteté est à l’âme.

Les êtres humains vraiment beaux méritent d’être aimés. La concupiscence inspirée par la beauté d’un visage et d’un corps n’est pas l’amour que cette beauté mérite, c’est une espèce de haine qui saisit la chair devant ce qui est trop pur pour elle. Platon savait cela.

La grâce de Dieu est telle que parfois dans notre malheur même il nous fait sentir une beauté C’est alors la révélation d’une beauté plus pure que celle qu’on connaissait jusque-là. Job.

Mais toujours la première atteinte du malheur est privation de beauté, envahissement de l’âme par la laideur. Alors ceux qui ne maintiennent pas en dépit de tout sens commun leur amour pointé dans la même direction, quoique désormais sans objet, perdent tout contact avec le bien, peut-être définitivement.

Si, comme je crois que c’est possible, il y a une limite qu’on peut passer dès ici-bas et au delà de laquelle il n’y a plus aucun espoir de salut, je veux croire que ceux qui l’ont passée sont insensibles même à la douleur physique, ou presque.

Une souffrance qui n’a aucun usage possible, ce serait