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Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/129

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Tout crime est un transfert du mal de celui qui agit sur celui qui subit. L’amour illégitime comme le meurtre.

L’appareil de la justice pénale a été tellement contaminé de mal depuis des siècles qu’il est au contact des malfaiteurs, sans purification compensatrice, qu’une condamnation est très souvent un transfert de mal de l’appareil pénal sur le condamné, et cela même s’il est coupable et si la peine n’est pas disproportionnée. Les criminels endurcis sont les seuls auxquels l’appareil pénal ne peut pas faire de mal. Aux innocents, il fait un mal affreux.

Quand il y a transfert de mal, le mal n’est pas diminué, mais augmenté chez celui d’où il procède. Phénomène de multiplication. Il en est de même pour le transfert du mal qui s’opère sur des objets.

Alors où mettre le mal ?

Il faut le transférer de la partie impure dans la partie pure de soi-même, le transmuant ainsi en souffrance pure. Le crime qu’on a en soi, il faut l’infliger à sol.

Mais on aurait vite fait ainsi de souiller le point de pureté intérieure si on ne le renouvelait pas par le contact avec une pureté inaltérable placée en dehors de toute atteinte.

La patience consiste à ne pas transformer la souffrance en crime. Cela suffit déjà à transformer du crime en souffrance.

Transférer le mal sur des choses extérieures, c’est déformer les rapports des choses. Ce qui est exact et déterminé, nombre, proportion, harmonie, résiste à cette déformation. Quel que soit mon état de vigueur ou de lassitude, dans cinq kilo-