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Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/137

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LE MALHEUR

Souffrance : supériorité de l’homme sur Dieu. Il a fallu l’Incarnation pour que cette supériorité ne fût pas scandaleuse.

Je ne dois pas aimer ma souffrance parce qu’elle est utile, mais parce qu’elle est.

Accepter ce qui est amer ; il ne faut pas que l’acceptation rejaillisse sur l’amertume et la diminue, sans quoi l’acceptation diminue proportionnellement en force et en pureté. Car l’objet de l’acceptation, c’est ce qui est amer en tant qu’amer et non pas autre chose. — Dire comme Ivan Karamazov : rien ne peut compenser une seule larme d’un seul enfant. Et pourtant accepter toutes les larmes, et les innombrables horreurs qui sont au delà des larmes. Accepter ces choses, non pas en tant qu’elles comporteraient des compensations, mais en elles-mêmes. Accepter qu’elles soient simplement parce qu’elles sont.

S’il n’y avait pas de malheur en ce monde, nous pourrions nous croire au paradis.