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Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/139

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lement. Elle est alors extérieure (comme étant hors des parties spirituelles de l’âme) et intérieure (comme concentrée tout entière, sur nous-mêmes, sans rejaillir sur l’univers pour l’altérer).

Le malheur contraint à reconnaître comme réel ce qu’on ne croit pas possible.

Malheur : le temps emporte l’être pensant malgré lui vers ce qu’il ne peut pas supporter et qui viendra pourtant. « Que ce calice s’éloigne de moi. » Chaque seconde qui s’écoule entraîne un être dans le monde vers quelque chose qu’il ne peut pas supporter.

Il y a un point de malheur où l’on n’est plus capable de supporter ni qu’il continue ni d’en être se délivré.

La souffrance n’est rien, hors du rapport entre le passé et l’avenir, mais quoi de plus réel pour l’homme que ce rapport ? Il est la réalité même.

Avenir. On pense que cela viendra demain jusqu’au moment où on pense que cela ne viendra jamais.

Deux pensées allègent un peu le malheur. Ou qu’il va cesser presque immédiatement ou qu’il ne cessera jamais. Impossible ou nécessaire. Mais on ne peut pas penser qu’il est simplement. Cela est insoutenable.

« Ce n’est pas possible. » Ce qui n’est pas possible, c’est de penser un avenir où le malheur