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Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/171

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Mais celui qui met sa vie en Dieu lui-même, celui-là ne la perdra jamais. Mettre sa vie dans ce qu’on ne peut pas du tout toucher. C’est impossible. C’est une mort. C’est cela qu’il faut.

Rien de ce qui existe n’est absolument digne d’amour.

Il faut donc aimer ce qui n’existe pas.

Mais cet objet d’amour qui n’existe pas n’est pas une fiction. Car nos fictions ne peuvent être plus dignes d’amour que nous-mêmes qui ne le sommes pas.

Consentement au bien, non pas à aucun bien saisissable, représentable, mais consentement inconditionné au bien absolu.

En consentant à ce que nous nous représentons comme étant le bien, nous consentons à un mélange de bien et de mal, et ce consentement produit du bien et du mal : la proportion de bien et de mal en nous ne change pas. Au contraire, le consentement inconditionné au bien que nous ne pouvons pas et ne pourrons jamais nous représenter, ce consentement est du bien pur et ne produit que du bien, et il suffit qu’il dure pour qu’en fin de compte l’âme tout entière ne soit que bien.

La foi (quand il s’agit d’une interprétation surnaturelle du naturel) est une conjecture par analogie basée sur des expériences surnaturelles. Ainsi ceux qui possèdent le privilège de la contemplation mystique, ayant fait l’expérience de la miséricorde de Dieu, supposent que, Dieu étant misé-