Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/191

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mence pas à se produire, c’est le signe que cela même que j’écris, je ne le sais pas en vérité.

L’énergie nécessaire réside en moi, puisque j’en ai pour vivre. Je dois l’arracher de moi, dussé-je en mourir.

Il n’y a pas d’autre critérium parfait du bien et du mal que la prière intérieure ininterrompue. Tout ce qui ne l’interrompt pas est permis, tout ce qui l’interrompt est défendu. Il est impossible de faire du mal à autrui quand on agit en état de prière. À condition que ce soit prière véritable. Mais avant d’en arriver là, il faut avoir usé sa volonté propre contre l’observation des règles.

L’espérance est la connaissance que le mal qu’on porte en soi est fini et que la moindre orientation de l’âme vers le bien, ne durât-elle qu’un instant, en abolit un peu, et que, dans le domaine spirituel, tout bien, infailliblement, produit du bien. Ceux qui ne savent pas cela sont voués au supplice des Danaïdes.

Infailliblement, le bien produit du bien et le mal produit du mal dans le domaine du spirituel pur. Au contraire, dans le domaine du naturel (y compris le psychologique), le bien et le mal se produisent réciproquement. Ainsi on ne peut avoir de sécurité qu’une fois parvenu dans le domaine du spirituel — le domaine précisément où l’on ne peut rien se procurer par soi-même, où l’on attend tout d’ailleurs.