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Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/239

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Il faudrait que l’amour du citoyen pour la cité, du vassal pour le seigneur, fût amour surnaturel.

L’équilibre seul détruit, annule la force. L’ordre social ne peut être qu’un équilibre de forces.

Comme on ne peut attendre qu’un homme qui n’a pas la grâce soit juste, il faut une société organisée de telle sorte que les injustices se punissent les unes les autres en une oscillation perpétuelle.

L’équilibre seul anéantit la force.

Si on sait par où la société est déséquilibrée, il faut faire ce qu’on peut pour ajouter du poids dans le plateau trop léger. Quoique le poids soit le mal, en le maniant dans cette intention, peut-être ne se souille-t-on pas. Mais il faut avoir conçu l’équilibre et être toujours prêt à changer de côté comme la justice, « cette fugitive du camp des vainqueurs ».

Sens du fameux passage du Gorgias sur la géométrie. Aucun développement illimité n’est possible dans la nature des choses ; le monde repose tout entier sur la mesure et l’équilibre, et il en est de même dans la cité. Toute ambition est démesure, absurdité.

γεωμετρίας γὰρ ἀμελεῖς.

Ce que l’ambitieux oublie totalement, c’est la notion de rapport.

Peuple stupide à qui ma puissance m’enchaîne,
Hélas ! mon orgueil même a besoin de tes bras.