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Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/245

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D’où nous viendra la renaissance, à nous qui avons souillé et vidé tout le globe terrestre ?

Du passé seul, si nous l’aimons.

Les contraires. Aujourd’hui, on a la soif et l’écœurement du totalitarisme, et presque chacun aime un totalitarisme et en hait un autre.

Y a-t-il toujours identité entre ce qu’on aime et ce qu’on hait ? Ce qu’on hait, éprouve-t-on toujours le besoin de l’aimer sous une autre forme, et inversement ?

L’illusion constante de la Révolution consiste à croire que les victimes de la force étant innocentes des violences qui se produisent, si on leur met en main la force, elles la manieront justement. Mais sauf les âmes qui sont assez proches de la sainteté, les victimes sont souillées par la force comme les bourreaux. Le mal qui est à la poignée du glaive est transmis à la pointe. Et les victimes, ainsi mises au faîte et enivrées par le changement, font autant de mal ou plus, puis bientôt retombent.

Le socialisme consiste à mettre le bien dans les vaincus, et le racisme, dans les vainqueurs. Mais l’aile révolutionnaire du socialisme se sert de ceux qui, quoique nés en bas, sont par nature et par vocation des vainqueurs, et ainsi elle aboutit à la même éthique.