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Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/247

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MYSTIQUE DU TRAVAIL

Le secret de la condition humaine, c’est qu’il n’y a pas d’équilibre entre l’homme et les forces de la nature environnantes qui le dépassent infiniment dans l’inaction ; il n’y a équilibre que dans l’Action par laquelle l’homme recrée sa propre vie dans le travail.

La grandeur de l’homme est toujours de recréer sa vie. Recréer ce qui lui est donné. Forger cela même qu’il subit. Par le travail, il produit sa propre existence naturelle. Par la science, il recrée l’univers au moyen de symboles. Par l’art il recrée l’alliance entre son corps et son âme (cf. le discours d’Eupalinos). Remarquer que chacune de ces trois choses est quelque chose de pauvre, de vide, et de vain, prise en soi et hors du rapport avec les deux autres. Union des trois : culture ouvrière (tu peux toujours attendre)…

Platon lui-même n’est qu’un précurseur. Les Grecs connaissaient l’art, le sport, mais non pas le travail. Le maître est esclave de l’esclave en ce sens que l’esclave fabrique le maître.