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Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/57

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nous ont fait, mais le bien qu’on leur a fait). Là encore on accepte un vide en soi-même.

Accepter un vide en soi-même, cela est surnaturel. Où trouver l’énergie pour un acte sans contrepartie ? L’énergie doit venir d’ailleurs. Mais pourtant, il faut d’abord un arrachement, quelque chose de désespéré, que d’abord un vide se produise. Vide : nuit obscure.

L’admiration, la pitié (le mélange des deux surtout) apportent une énergie réelle. Mais il faut s’en passer.

Il faut être un temps sans récompense, naturelle ou surnaturelle.

Il faut une représentation du monde où il y ait du vide, afin que le monde ait besoin de Dieu. Cela suppose le mal.

Aimer la vérité signifie supporter le vide, et par suite accepter la mort. La vérité est du côté de la mort.

L’homme n’échappe aux lois de ce monde que la durée d’un éclair. Instants d’arrêt, de contemplation, d’intuition pure, de vide mental, d’acceptation du vide moral. C’est par ces instants qu’il est capable de surnaturel.

Qui supporte un moment le vide, ou reçoit le pain surnaturel, ou tombe. Risque terrible, mais il faut le courir, et même un moment sans espérance. Mais il ne faut pas s’y jeter.