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Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/81

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son amour, sans la protection de l’espace, du temps et de la matière, nous serions évaporés comme l’eau au soleil ; il n’y aurait pas assez de je en nous pour abandonner le je par amour. La nécessité est l’écran mis entre Dieu et nous pour que nous puissions être. C’est à nous de percer l’écran pour cesser d’être.

Il existe une force « déifuge ». Sinon tout serait Dieu.

Il a été donné à l’homme une divinité imaginaire pour qu’il puisse s’en dépouiller comme le Christ de sa divinité réelle.

Renoncement. Imitation du renoncement de Dieu dans la création. Dieu renonce — en un sens — à être tout. Nous devons renoncer à être quelque chose. C’est le seul bien pour nous.

Nous sommes des tonneaux sans fond tant que nous n’avons pas compris que nous avons un fond.

Élévation et abaissement. Une femme qui se regarde dans un miroir et se pare ne sent pas la honte de réduire soi, cet être infini qui regarde toutes choses, à un petit espace. De même toutes les fois qu’on élève le moi (le moi social, psychologique, etc.) si haut qu’on l’élève, on se dégrade infiniment en se réduisant à n’être que cela. Quand le moi est abaissé (à moins que l’énergie