Aller au contenu

Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mon Dieu, accordez-moi de devenir rien.

À mesure que je deviens rien, Dieu s’aime à travers moi.

Ce qui est en bas ressemble à ce qui est en haut. Par là l’esclavage est une image de l’obéissance à Dieu, l’humiliation une image de l’humilité, la nécessité physique une image de la poussée irrésistible de la grâce, l’abandon des saints au jour le jour une image du morcellement du temps chez les criminels et les prostituées, etc.

À ce titre, il faut rechercher ce qui est le plus bas ; à titre d’image.

Que ce qui en nous est bas aille vers le bas afin que ce qui est haut puisse aller en haut. Car nous sommes retournés. Nous naissons tels. Rétablir l’ordre, c’est défaire en nous la créature.

Retournement de l’objectif et du subjectif.

De même, retournement du positif et du négatif. C’est aussi le sens de la philosophie des Upanishads.

Nous naissons et vivons à contresens, car nous naissons et vivons dans le péché qui est un renversement de la hiérarchie. La première opération est le retournement. La conversion.

Si le grain ne meurt… Il doit mourir pour libérer l’énergie qu’il porte en lui afin qu’il s’en forme d’autres combinaisons.

De même nous devons mourir pour libérer l’énergie attachée, pour posséder une énergie libre susceptible d’épouser le vrai rapport des choses.