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Page:Weil - La Source grecque, 1953.djvu/129

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La Création. Timée.


Contient une seconde preuve de Dieu. La première correspondait à ce que Descartes nomme la preuve par l’idée de perfection. La seconde est la preuve par l’ordre du monde. Non pas telle qu’on la présente ordinairement, par l’adaptation des moyens aux fins ; misérable et ridicule. La seule preuve légitime par l’ordre du monde, à savoir la preuve par la beauté du monde. Une statue grecque par sa beauté inspire un amour qui ne peut pas avoir pour objet de la pierre. De même le monde par sa beauté inspire un amour qui ne peut pas avoir pour objet la matière. Cela revient au même : la preuve de Dieu par l’amour. Il ne peut pas y en avoir d’autres, car Dieu n’est pas autre chose que du bien et il n’y a pas d’autre organe pour entrer en contact avec lui que l’amour. Comme par la vue on ne reconnaît pas les sons, de même nulle autre faculté que l’amour ne peut reconnaître Dieu.

Ce bien pur a deux reflets, l’un dans notre âme, qui est la notion du bien, l’autre dans le monde, qui est la beauté.

L’ordre du monde est le beau et non un ordre définissable. Comme quand tel mot a été mis pour tel effet le poème est médiocre… (ou le critique…)

Le Timée est une histoire de la création. Il ne ressemble à aucun autre dialogue de Platon, tellement il semble venir d’ailleurs. Ou Platon s’est inspiré d’une source inconnue de nous, ou entre les autres dialogues et celui-là il lui est arrivé quelque chose. Quoi, c’est facile à deviner. Il est sorti de la caverne, il a regardé le soleil, et il est rentré dans la caverne. Le Timée est le livre de l’homme rentré dans la caverne. Aussi ce monde sensible n’y apparaît plus comme une caverne.

Il y a dans le Timée une trinité : l’Ouvrier, le Modèle de la création et l’Âme du monde.


« Il faut d’abord à mon avis faire cette distinction. Qu’est-ce que l’être éternellement réel, sans génération,