Aller au contenu

Page:Weil - La Source grecque, 1953.djvu/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

SUR LE THÉÉTÈTE

Fuite, assimilation à Dieu par la justice.

La justice dans Platon est une vertu surnaturelle. Comme dans l’Évangile : le royaume de Dieu et sa justice — ceux qui ont faim et soif de justice — béatitude faite pour les meilleurs des Grecs. Car la justice est une fuite hors de ce monde dans l’autre (fuite = salut). Opération violente, qui implique un abandon, qui implique aussi qu’on est poussé : une fuite est tout autre chose qu’une recherche. La fuite est une action qui occupe toute l’âme : quand on a peur on oublie tout, même les êtres chers. La peur pousse par derrière. Opération réelle : si on fuit simplement en pensée, en imagination, on tombe aux mains de l’ennemi.

Cette assimilation implique une moyenne proportionnelle. La similitude est une expression géométrique, et le centre de la géométrie grecque, c’est la recherche de la moyenne proportionnelle qu’on nomme aussi géométrique. Or les Grecs regardaient leur géométrie comme révélée.

« Ce qu’on appelle, d’un nom ridicule, la géométrie, c’est l’assimilation des nombres qui ne sont pas naturellement semblables, assimilation devenue manifeste selon la destination des figures planes. Pour quiconque peut comprendre c’est là une merveille non pas humaine, mais divine[1]. »

  1. Épinomis, 990 d.