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Page:Weil - La Source grecque, 1953.djvu/168

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et la réalité du monde extérieur n’est pas constituée par autre chose que par la nécessité, comme une analyse de la perception, dans le sens indiqué par Lagneau, le montre aisément.

Ainsi la Médiation divine, par descente analogique, pénètre tout. Elle unit Dieu à Dieu, Dieu au monde, le monde à lui-même ; elle constitue dans tous les domaines la réalité.

Tout cela se trouve exprimé dans l’unique terme de λόγος comme nom de la seconde Personne de la Trinité.

C’est exactement aussi ce qu’exprime la parole de Platon : ὁ θεὸς ἀεὶ γεωμετρεῖ[1], rapprochée du passage de l’Épinomis et d’un autre bien connu du Gorgias (sur « l’égalité géométrique » ).

L’unité chez les Pythagoriciens représente Dieu (ce qui montre si on peut soupçonner ces gens d’avoir été polythéistes !). Ils disaient : « La justice est un nombre à la deuxième puissance. »

Autrement dit, la justice est ce entre quoi et Dieu il y a naturellement médiation. (Elle est un nom de Dieu même.)

Au contraire, entre les pécheurs et Dieu, il n’y a pas naturellement médiation (ce sont « des nombres non naturellement semblables entre eux »), de même qu’il n’y en a pas entre l’unité et les nombres non carrés.

Mais comme la géométrie fournit, par la prédestination (μοῖρα) des figures planes, une médiation miraculeuse (θαῦμα) pour ces nombres, de même il y a une opération miraculeuse, contre nature, qui établit une médiation entre l’humanité criminelle et Dieu (« rend semblables des nombres qui ne sont pas naturellement semblables » ).

Ainsi λόγος, ἀριθμός, γεωμετρία, ἁρμονία, tout cela désigne la Médiation.

Ces rapprochements peuvent sembler arbitraires, mais ils mettent une cohérence et une intelligibilité parfaite dans des textes qui, sauf erreur, n’en peuvent

  1. « Dieu est toujours géomètre. »