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Page:Weil - La Source grecque, 1953.djvu/20

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Le héros est une chose traînée derrière un char dans la poussière :


Tout autour, les cheveux
Noirs étaient répandus, et la tête entière dans la poussière
Gisait, naguère charmante ; à présent Zeus à ses ennemis
Avait permis de l’avilir sur sa terre natale.


L’amertume d’un tel tableau, nous la savourons pure, sans qu’aucune fiction réconfortante vienne l’altérer, aucune immortalité consolatrice, aucune fade auréole de gloire ou de patrie.


Son âme hors de ses membres s’envola, s’en alla chez Hadès,
Pleurant sur son destin, quittant sa virilité et sa jeunesse.


Plus poignante encore, tant le contraste est douloureux, est l’évocation soudaine, aussitôt effacée, d’un autre monde, le monde lointain, précaire et touchant de la paix, de la famille, ce monde où chaque homme est pour ceux qui l’entourent ce qui compte le plus.


Elle criait à ses servantes aux beaux cheveux par la demeure
De mettre auprès du feu un grand trépied, afin qu’il y eût
Pour Hector un bain chaud au retour du combat.
La naïve ! Elle ne savait pas que bien loin des bains chauds
Le bras d’Achille l’avait soumis, à cause d’Athèna aux yeux verts.


Certes, il était loin des bains chauds, le malheureux. Il n’était pas le seul. Presque toute l’Iliade se passe loin des bains chauds. Presque toute la vie humaine s’est toujours passée loin des bains chauds.


La force qui tue est une forme sommaire, grossière de la force. Combien plus variée en ses procédés,