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Page:Weil - La Source grecque, 1953.djvu/55

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PLAINTES D’ÉLECTRE ET RECONNAISSANCE D’ORESTE

ÉLECTRE

Que Dieu m’envoie mon frère !
Seule, je ne puis plus soutenir
le poids des peines sous lequel je plie.

Inlassablement je l’attends. Je n’ai pas d’enfants,
hélas ! pas de mari. Je dépéris de jour en jour.
Mes larmes coulent sans cesse. Bien vainement
les peines s’ajoutent aux peines. Et lui m’oublie.

Déjà la meilleure part de ma vie est passée,
écoulée dans le désespoir. Je n’en puis plus.
Privée de parents, le chagrin me ronge.
Il n’y a pas d’homme qui m’aime et me protège.
Il me faut comme la dernière des servantes
travailler dans la maison de mon père ;
habillée de ces haillons humiliants,
je dois rester debout autour de tables vides.

Dans ma propre maison, c’est avec le meurtrier de mon père
que j’habite ; et je suis à ses ordres ; et il dépend de lui
de m’accorder ma subsistance, de m’imposer des privations.

Dans ces conditions je ne puis être ni raisonnable, amies,
ni bonne. Ceux à qui on fait trop de mal
ne peuvent pas s’empêcher de devenir mauvais.
....................