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Page:Weil - La Source grecque, 1953.djvu/82

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juin 1940.) — Assimilation (cf. géométrie, Épinomis) : Dieu est parfaitement juste. Grecs obsédés par l’idée de justice (à cause de Troie ?). Sont morts de l’avoir abandonnée. Deux morales, l’une extérieure, qui est humaine, l’autre, la véritable, qui est surnaturelle et vient de Dieu et se confond avec la connaissance (γνῶσις, mot de l’Évangile) de la vérité la plus haute (remarque sur les quatre vertus). La récompense du bien consiste dans le fait qu’on est bon, la punition du mal dans le fait qu’on est mauvais, et ce sont une récompense et une punition automatiques (je ne juge pas, ils se condamnent eux-mêmes).

(Conséquence très importante de cette « assimilation ». Les idées de Platon sont les pensées de Dieu ou les attributs de Dieu.)

Autrement dit : alors que dans le domaine de la nature (y compris psychologique) le mal et le bien se produisent sans cesse mutuellement, dans le domaine spirituel le mal ne produit que du mal et le bien ne produit que du bien. (Évangile.) Et le bien et le mal consistent dans le contact (contact par similitude) ou la séparation d’avec Dieu. (Il s’agit donc de tout autre chose que d’une conception abstraite de Dieu à quoi l’intelligence humaine peut parvenir sans la grâce, mais d’une conception expérimentale.)

Qu’est-ce que cette justice ? Comment l’imitation de Dieu par un homme est-elle possible ? Nous avons une réponse. C’est le Christ. Quelle est la réponse de Platon ?

République, II, 360 sqq. (cf. Hippolyte d’Euripide) :


« … N’ôtons rien ni à l’injustice de l’injuste ni à la justice du juste, mais posons l’un et l’autre dans sa perfection. [Tout réussit à l’injuste.] … Posons le justehomme simple et généreux, qui, comme dit Eschyle, ne veut pas l’apparence, mais la réalité de la justice. Ôtons lui donc l’apparence … Qu’il soit rendu nu de toutes choses excepté la justice. Sans jamais commettre d’injustice, qu’il ait la réputation de la plus grande injustice, pour qu’il soit éprouvé dans sa justice par le fait qu’il ne sera pas amolli (τέγγεσθαι) par la mauvaise réputation