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Page:Weil - Oppression et Liberté, 1955.djvu/157

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dite vienne au premier plan. Et comme la guerre est la forme propre de la lutte pour la puissance lorsque les compétiteurs sont des États, tout progrès dans la mainmise de l’État sur la vie économique a pour effet d’orienter la vie industrielle dans une mesure encore un peu plus grande vers la préparation à la guerre ; cependant que réciproquement les exigences continuellement croissantes de la préparation à la guerre contribuent à soumettre de jour en jour davantage l’ensemble des activités économiques et sociales de chaque pays à l’autorité du pouvoir central. Il apparaît assez clairement que l’humanité contemporaine tend un peu partout à une forme totalitaire d’organisation sociale, pour employer le terme que les nationaux-socialistes ont mis à la mode, c’est-à-dire à un régime où le pouvoir d’État déciderait souverainement dans tous les domaines, même et surtout dans le domaine de la pensée. La Russie offre un exemple presque parfait d’un tel régime, pour le plus grand malheur du peuple russe ; les autres pays ne pourront que s’en approcher, à moins de bouleversements analogues à celui d’octobre 1917, mais il semble inévitable que tous s’en approchent plus ou moins au cours des années qui viennent. Cette évolution ne fera que donner au désordre une forme bureaucratique, et accroître encore l’incohérence, le gaspillage, la misère. Les guerres amèneront une consommation insensée de matières premières et d’outillage, une folle destruction des biens de toute espèce que nous ont légués les générations précédentes. Quand le chaos et la destruction auront atteint la limite à partir de laquelle le fonctionnement même de l’organisation économique et sociale sera devenu matériellement impossible, notre civilisation périra ; et l’humanité, revenue à un niveau de vie plus ou moins primitif et à une vie sociale dispersée en des collectivités beaucoup plus petites, repartira sur une