Aller au contenu

Page:Weil - Oppression et Liberté, 1955.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

illégale, le travail systématique des militants disciplinés au bouillonnement spontané des masses. Partout dans le monde devaient se former des partis communistes auxquels le parti bolchevik communiquerait son savoir ; ils devaient remplacer la social-démocratie, qualifiée par Rosa Luxembourg, dès août 1914, de « cadavre puant », et qui n’allait pas tarder à disparaître de la scène de l’histoire ; ils devaient s’emparer du pouvoir à brève échéance. Le régime politique créé spontanément par les ouvriers de Paris en 1871, puis par ceux de Saint-Pétersbourg en 1905, devait s’installer solidement en Russie et couvrir bientôt la surface du monde civilisé. Certes l’écrasement de la Révolution russe par une intervention brutale de l’impérialisme étranger pouvait anéantir ces brillantes perspectives ; mais à moins d’un semblable écrasement, Lénine et Trotsky étaient sûrs d’introduire dans l’histoire précisément cette série de transformations et non pas une autre.

Quinze ans se sont écoulés. La Révolution russe n’a pas été écrasée. Ses ennemis extérieurs et intérieurs ont été vaincus. Cependant nulle part sur la surface du globe, y compris le territoire russe, il n’y a de soviets ; nulle part sur la surface du globe, y compris le territoire russe, il n’y a de parti communiste proprement dit. Le « cadavre puant » de la social-démocratie a continué quinze ans durant à corrompre l’atmosphère politique, ce qui n’est guère le fait d’un cadavre ; s’il a été finalement en grande partie balayé, ç’a été par le fascisme et non par la révolution. Le régime issu d’Octobre, et qui devait s’étendre ou périr, s’est fort bien adapté, quinze ans durant, aux limites des frontières nationales ; son rôle à l’extérieur consiste à présent, comme les événements d’Allemagne le montrent avec évidence, à étrangler la lutte révolutionnaire du prolétariat. La bourgeoisie réactionnaire a fini par s’apercevoir elle-même qu’il est bien près d’avoir perdu toute