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Page:Weil - Oppression et Liberté, 1955.djvu/216

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que l’esclavage est absolument contraire à la raison et à la nature. Autant les fluctuations de la morale selon les temps et les pays sont évidentes, autant aussi il est évident que la morale qui procède directement de la mystique est une, identique, inaltérable. On peut le vérifier en considérant l’Égypte, la Grèce, l’Inde, la Chine, le bouddhisme, la tradition musulmane, le christianisme, et le folklore de tous les pays. Cette morale est inaltérable parce qu’elle est un reflet du bien absolu qui est situé hors de ce monde. Il est vrai que toutes les religions, sans exception, ont fait des mélanges impurs de cette morale et de la morale sociale, avec des dosages variables. Elle n’en constitue pas moins la preuve expérimentale ici-bas que le bien pur et transcendant est réel ; en d’autres termes, la preuve expérimentale de l’existence de Dieu.



II


L’œuvre vraiment capitale de Marx, c’est l’application de sa méthode à l’étude de la société qui l’entourait. Il a défini avec une précision admirable les rapports de force dans cette société. Il a montré que le salariat est une forme d’oppression, que les travailleurs sont inévitablement asservis dans un système de production où, dépouillés de savoir et d’habileté, ils sont réduits presque au néant devant la prodigieuse combinaison de la science et des forces naturelles qui se trouve comme cristallisée dans la machine. Il a montré que l’État, étant constitué par des catégories d’hommes séparées de la population, bureaucratie, police, cadres de l’armée, forme lui-même une machine qui écrase automatiquement ceux qu’il prétend représenter. Il a aperçu que la vie économique allait devenir elle-même de plus en plus centralisée et bureaucra-