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Page:Weil - Oppression et Liberté, 1955.djvu/228

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Beaucoup de gens se déclarent ou adversaires, ou partisans, ou partisans mitigés de la doctrine marxiste. On ne pense guère à se demander : Marx avait-il une doctrine ? On n’imagine pas qu’une chose qui a excité tant de controverses puisse ne pas exister. Pourtant le cas est fréquent. La question vaut la peine d’être posée et examinée. Après un examen attentif, il y a peut-être lieu de répondre négativement.

On est généralement d’accord pour dire que Marx est matérialiste. Il ne l’a pas toujours été. Dans sa jeunesse, il était parti pour élaborer une philosophie du travail dans un esprit très proche au fond de celui de Proudhon. Une philosophie du travail n’est pas matérialiste. Elle dispose tous les problèmes relatifs à l’homme autour d’un acte qui, constituant une prise directe et réelle sur la matière, enferme la relation de l’homme avec le terme antagoniste. Le terme antagoniste, c’est la matière. L’homme n’y est pas ramené, il y est opposé.

Dans cette voie, le jeune Marx n’a même pas commencé l’ébauche d’une ébauche. Il n’a guère fourni que quelques indications. Proudhon, de son côté, a seulement jeté quelques éclairs parmi beaucoup de fumée. Une telle philosophie reste à faire. Elle est peut-être indispensable. Elle est peut-être plus particulièrement un besoin de cette époque-ci. Plusieurs signes montrent qu’au siècle dernier il s’en préparait un embryon. Mais